Inclusion scolaire : bâtir une école pour tous
© Interview menée par Hoptoys avec Ingrid Delfolie
L’inclusion scolaire est un droit fondamental. Il s’agit de donner à chaque enfant la chance de s’épanouir dans un environnement bienveillant et adapté à ses besoins. L’inclusion n’est pas une utopie ! Avec des stratégies adaptées, des outils pratiques, et une collaboration étroite entre tous les acteurs, elle doit devenir une réalité dans nos écoles. Ingrid Delfolie, fondatrice d’EduEveil, partage son expérience en tant que SENco (coordinatrice pour les élèves à besoins éducatifs particuliers) dans une école internationale anglaise et nous invite à explorer les enjeux de l’inclusion scolaire. Elle propose des solutions concrètes pour construire ensemble une école où chaque enfant a sa place.
Un droit fondamental à concrétiser
La loi de 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes en situation de handicap constitue un cadre essentiel pour garantir que chaque enfant, quelle que soit sa situation, ait le droit à une éducation inclusive. Bien que des progrès aient été faits ces dernières années, il reste encore du chemin à parcourir pour que chaque enfant puisse s’épanouir à l’école dans un environnement adapté à ses besoins.
Pourquoi vous êtes-vous dirigée vers l’inclusion scolaire ?
Je me suis dirigée vers l’inclusion scolaire parce que je crois profondément que chaque enfant est unique. Chaque individu a le droit de s’épanouir et de se sentir bien dans notre société.
Mes études en inclusion scolaire m’ont ouvert une porte vers de nouvelles possibilités en matière d’éducation. Je suis persuadée que nous pouvons construire un environnement scolaire plus inclusif et bienveillant pour tous.
En tant que diplômée SENCo (Coordinatrice de l’éducation des élèves avec des besoins éducatifs particuliers) de l’Université de Middlesex, j’ai eu l’opportunité de vivre une expérience significative dans une école internationale anglaise. Un élève de 10 ans avec un TDAH et HPI présentait des comportements perturbateurs. Cette situation a créé des tensions au sein de la classe et suscité des inquiétudes chez certains parents et élèves. Ils se sont parfois interrogés sur les meilleures solutions à adopter. Cette expérience, survenue au début de ma carrière de SENCo, m’a permis de mieux comprendre les enjeux et défis liés à l’inclusion scolaire.
© Interview avec Hoptoys
Comment transformer les défis en opportunités ?
L’inclusion scolaire peut être perçue comme un défi, mais elle représente également une occasion unique de cultiver l’empathie, la résilience et l’innovation. Plutôt que de voir les comportements difficiles comme des obstacles, nous devons les considérer comme des occasions d’apprentissage pour tous les élèves, contribuant ainsi à transformer positivement la dynamique de groupe.
De nombreux parents partagent des préoccupations concernant l’inclusion, mais ils sont aussi impliqués dans la recherche de solutions. Les témoignages de parents dans des groupes de soutien ont souvent en commun leur désir de mieux comprendre et de trouver des stratégies adaptées. Ces témoignages reflètent l’engagement des familles, des enseignants prêts à collaborer pour le bien-être et la réussite des enfants.
“Mon enfant a besoin d’un peu plus de soutien pour se concentrer, mais avec l’aide de ses enseignants et un suivi à la maison, nous observons déjà des progrès.”
Comment adopter une approche globale ?
Ma formation en tant que SENCo m’a convaincue de l’importance d’adopter une approche globale envers l’inclusion scolaire. Les stratégies d’inclusion doivent dépasser les adaptations académiques et inclure le bien-être émotionnel et social des élèves.
En Angleterre, le SEND Code of Practice, révisé en septembre 2024, propose plusieurs recommandations pour améliorer l’inclusion scolaire :
- Approche centrée sur l’élève : Impliquons les enfants et leurs familles dans les décisions qui les concernent.
- Identification précoce et évaluation : Soyons proactifs dans l’identification et l’évaluation des besoins éducatifs spéciaux.
- Utilisation de Plans d’Accompagnement Personnalisés (PAP) :Etablissons des objectifs claires et des stratégies de soutien pour chaque élève.
- Collaboration inter-agences : Favorisons la coopération entre écoles, services de santé, autorités locales et autres agences.
- Formation des enseignants : Assurons-nous que tous les enseignants reçoivent une formation adéquate sur les besoins éducatifs spéciaux.
- Soutien à l’autonomie : Encourageons le développement de compétences d’autonomie chez les élèves.
- Suivi et évaluation des progrès : Mettons en place des systèmes pour suivre les progrès des élèves ayant des besoins éducatifs spéciaux.
- Soutien pour les parents et les familles : Fournissons des informations claires et accessibles sur les droits, les ressources et les options de soutien disponibles pour leurs enfants.
En intégrant ces recommandations dans notre pratique quotidienne, nous pouvons créer un environnement d’apprentissage plus inclusif et plus adapté à tous les élèves. En collaborant ensemble, nous pouvons faire de l’inclusion une réalité pour chaque enfant.
Par exemple, dans le cadre de mon travail avec l’élève TDAH et HPI, j’ai réalisé que ses besoins sociaux et émotionnels étaient souvent non satisfaits. J’ai alors utilisé des outils comme les histoires sociales, mets-toi à ma place. Ainsi, j’ai pu aider cet élève et ses camarades à développer leur empathie et à mieux comprendre les émotions des autres.
© Interview avec Hoptoys
Comment créer un environnement inclusif qui révèle le potentiel de tous les élèves ?
Voici plusieurs stratégies pratiques pour améliorer l’inclusion scolaire :
- Histoires sociales : ces outils aident les enfants à comprendre et à gérer leurs émotions. Par exemple, imaginons une situation où « C’est l’anniversaire de Vera et elle invite toute la classe sauf Émilie. Vera dit à Émilie : « Tu peux venir à condition que tu me donnes tous tes stickers ». À ce moment-là, nous pouvons discuter avec la classe :
- Comment se sent Émilie ?
- Pourquoi Vera agit-elle ainsi ?
- Comment vous sentiriez-vous si vous étiez à la place d’Émilie ?
- Quelles actions Vera et Émilie pourraient-elles envisager ?
Cet exercice aide non seulement Émilie à exprimer ses sentiments et il favorise également l’empathie et la compréhension parmi tous les élèves.
- Système de suivi partagé : Grâce à un outil informatique, nous avons facilité la communication entre enseignants, assistants et parents. Ce suivi proactif permet de repérer rapidement les besoins spécifiques des élèves.
- Aménagement des classes : Nous avons créé des espaces dédiés à la détente, comme des coins calmes, et introduit des outils comme les fidgets et des casques antibruit. Ces aménagements permettent d’améliorer la concentration et réduire les stimuli négatifs.
- Quality First Teaching (QFT) : Cette approche est basée sur l’identification des quatre principaux besoins des élèves : la communication et le langage, les besoins cognitifs et d’apprentissage, les besoins sociaux, émotionnels et comportementaux, et les besoins sensoriels et physiques. En suivant cette approche, chaque élève bénéficie de stratégies adaptées qui répondent à leurs besoins individuels.
Collaborer pour avancer ensemble
L’inclusion scolaire est l’affaire de tous. Enseignants, familles, et professionnels de santé doivent unir leurs forces pour répondre aux besoins spécifiques de chaque enfant. La formation continue des enseignants, un dialogue ouvert avec les parents, et un soutien renforcé des AESH sont des leviers essentiels.
Quelles sont les bonnes pratiques au Royaume-Uni ?
Le système éducatif britannique propose une approche plus structurée de l’inclusion scolaire. Cela repose notamment sur le SEND Code of Practice et le Quality First Teaching. Ils offrent un cadre pour soutenir les élèves ayant des besoins éducatifs particuliers. Il met l’accent sur des pratiques pédagogiques de haute qualité, tenant compte des besoins sociaux, émotionnels et de santé mentale des élèves.
Le bien-être émotionnel des élèves joue un rôle clé dans leur réussite scolaire, comme l’a démontré John Hattie. Ses recherches montrent aussi que les enseignants influencent directement les résultats, surtout lorsqu’ils instaurent un environnement d’apprentissage positif et inclusif.
Quels dispositifs existent en France ?
En France, des progrès importants ont été réalisés ces dernières années avec la mise en place de dispositifs comme les DAR, l’augmentation des postes d’AESH et la création de postes de professeurs ressources pour les TND. Cependant, il reste encore du chemin à parcourir pour atteindre une école véritablement inclusive. En effet, les actions en faveur de l’inclusion varient considérablement d’une région à l’autre et d’une école à l’autre. Cela crée des disparités dans les opportunités d’inclusion offertes aux élèves. Toutefois, ces défis peuvent être surmontés par l’innovation, la collaboration et une volonté politique forte pour garantir à tous les élèves les mêmes chances de réussite.
L’inclusion scolaire est un droit fondamental qui nécessite un engagement collectif. Grâce à des stratégies adaptées et en mettant l’accent sur le bien-être émotionnel des élèves, nous avons la capacité de transformer nos classes en espaces d’apprentissage où chaque enfant a les moyens de réussir. Ensemble, faisons en sorte que l’inclusion soit une réalité tangible pour tous.
Sources :
– Hattie, J (2009). Visible learnin : A synthesis of Over 800 Meta-Analyses Relating to Achievement. Routledge.
Special educational needs and disability code of practice : 0 to 25 years – GOV.UK